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Colloque international Tunis, 12-13 avril 2018 : Etat - Médias : quelle gouvernance publique des médias en période de transition démocratique
Date de création: 05 Dec 2017

UNIVERSITE DE LA MANOUBA

Institut de Presse et des Science de l’information

Colloque international

Tunis, 12-13 avril 2018

***

Etat - Médias : quelle gouvernance publique des médias  en période de transition démocratique

 

INTRODUCTION :

 

Les soulèvements populaires qui ont secoué le monde arabe à partir de 2011 et provoqué la chute de nombreux régimes autoritaires (Tunisie, Egypte, Libye et Yémen)  ont, à des degrés différents,  ouvert la voie à l’exercice citoyen de la liberté d’expression comme jamais auparavant. Cette exigence de plus de liberté s’est imposée même dans les pays qui n’ont pas connu de changement de régime, tels que le Maroc, l’Algérie, la Syrie et les pays du Golfe.

Cédant à une « Une surenchère médiatique sur l’impact révolutionnaire des usages d’Internet » (Romain Lecomte, 2011), beaucoup d’observateurs se sont interrogés sur le rôle des médias dans l’accélération  des révoltes  populaires hostiles aux pouvoirs en place, certains sont même allés jusqu’à considérer que les médias, notamment Al Jazira, le web 2.0 et les réseaux socio-numériques, sont les pères légitime des révolutions du « Printemps arabe ». 

Supposée ou réelle, cette influence attribuée  aux médias « alternatifs » allait mettre  les politiques face à un défi majeur : celui de repenser la relation Etat-médias et de mettre en place une alternative plus démocratique au contrôle étatique de l’information, totalement disqualifié par la chute des régimes qu’il était censé promouvoir et rendu obsolète par les nouvelles technologies de l’information et de la communication.

Après des décennies marquées par « l’étatisation de l’information » (Chouikha, 2015), les nouveaux termes de la relation Etat-médias dans un contexte de transition démocratique sont donc à inventer, étant donné que les Etats arabes, les monarchies comme les républiques, n’ont pas de traditions en matière de gouvernement démocratique. Car même dans les pays qui, comme la Tunisie, l’Egypte ou la Libye, ont chassé la dictature par une révolution populaire,  « on aura tort de penser que le post-autoritarisme débouche tout naturellement sur une démocratie sécularisée et libérale » (Redissi, 2017).

 

 Ce colloque international se propose de revisiter et de questionner le rôle de l’Etat dans la mise en œuvre du droit du citoyen à l’information, garanti par plusieurs nouvelles constitutions arabes, à l’image de celles du Maroc (2011), de l’Egypte et de la Tunisie (2014) ainsi que par celle de l’Algérie (2016). Ce qui implique l’examen de la question centrale de l’aide de l’Etat à la presse et l’évaluation de sa pertinence au regard des normes internationales en vigueur dans les systèmes démocratiques.

Au nord et au Sud de la méditerranée, les expériences de ces pays n’étant pas homogènes, notre colloque sera l’occasion de faire l’état des lieux comparé des politiques publiques en matière de gouvernance des secteurs  l’information et de la communication, des systèmes d’aide aux médias et de régulation de l’audiovisuel, afin de permettre aux chercheurs de jeter un regard croisé sur ces thématiques.

 

Ce colloque se veut également interdisciplinaire, dans la mesure où son thème est à la convergence de plusieurs disciplines telles que les sciences de l’information et de la communication, le management, notamment l’économie et la régulation des médias, le droit public,  les sciences politiques … etc.

Les contributions sollicitées pour ce colloque international s’articuleront autour des trois axes de réflexion suivants :

- L’Etat législateur 

- L’audiovisuel public

- L’aide de l’Etat

 

Axe I : l’Etat législateur face au défi des mutations du système médiatique et de l’émergence du droit des citoyens à l’information

 

Depuis les révoltes populaires en janvier 2011 par les chutes de Ben Ali en Tunisie et de Moubarak en Egypte, plusieurs pays du « Printemps Arabe » se trouvent confrontés au défi de redéfinir « le contrat social » qui pose les termes du consentement du peuple à l’autorité de l’Etat. 

Ce qui est remarquable, c’est que les Etats arabes qui ont adopté de nouveaux textes constitutionnels ont tous tenu à y inscrire de nouvelles garanties en matière de droits et libertés de l’information. 

A titre d’exemple, le droit d’accès à l’information, longtemps ignoré par les législateurs arabes, se trouve désormais consacré en tant que droit constitutionnel. 

C’est ainsi que la constitution marocaine du 29 juillet 2011 le garantit (article 27), mais lui impose plusieurs limites qui seront « fixées par la loi ». 

La constitution égyptienne du 18 janvier 2014 dispose que l’Etat garantit l’accès des citoyens aux données et documents officiels, qui sont « la propriété du peuple » (article 68).

Le « droit à l’information et le droit d’accès à l’information » sont également garantis par la constitution tunisienne du 27 janvier 2014. Quant à la constitution algérienne, elle dispose que 

 « L’obtention des informations, documents, statistiques et leur circulation sont garanties au citoyen » dans les limites fixées par la loi (Art. 51. nouveau). 

D’autre part, certains pays arabes (Maroc, Tunisie, Egypte) ont tenu à élever leur autorité de régulation de l’information et des médias au rang d’instances constitutionnelles plus ou moins indépendantes.

Mais ce progrès législatif évident au niveau des textes constitutionnels doit être questionné à l’aune de sa mise en œuvre, qui tarde à se concrétiser. En effet, la plupart des lois et des textes réglementaires d’application demeurent inexistants.

Au niveau de ce premier axe du colloque, les chercheurs sont donc appelés à apporter leurs éclairages sur les questions suivantes :

 

- Quelles sont les obligations constitutionnelles de l’Etat en matière de garanties des droits et libertés de l’information et de la communication ?

 

- Quels sont les éléments, existants ou à fournir, pour la mise en place  d’une politique  publique  garantissant le droit à l’information et les libertés d’expression et d’information ?

 

- Quels mécanismes/structures publics comme outils d’intervention et d’encadrement de l’Etat pour protéger les libertés et garantir le pluralisme et la qualité de l’information ? 

Doit-on garder ou supprimer les ministères de l’information/communication ?  

Comment  promouvoir  l’autorégulation des médias, notamment celle de la presse écrite et électronique (conseils de presse, médiateurs …) ?

 

 

 

 

 

Axe II : L’Etat et l’audiovisuel public

 

L’audiovisuel public est par excellence  le domaine de réalisation  de la politique publique  et devrait assurer aux citoyens un service public radiophonique et télévisuel indépendant, pluraliste et de haute qualité.

L’examen du paysage audiovisuel public arabe, plus particulièrement maghrébin, révèle cependant d’énormes déficiences  liées en majorité à des défaillances de l’Etat.

Au Maroc, La Haute Autorité de la Communication Audiovisuelle (HACA) a acquis une solide expérience dans le monitoring des programmes mais elle peine à réguler un paysage audiovisuel dominé par les chaines publiques qui demeurent sous le poids  de la tutelle administrative  du ministère de la communication.

En Tunisie, la Haute autorité indépendante de la communication audiovisuelle (HAICA), installée en mai 2013, est à l’heure du bilan car elle sera bientôt relevée par l’instance prévue dans la constitution (l’ICA).  Son efficacité à faire respecter les cahiers des charges des chaînes privées n’a pas été à la hauteur de son indépendance et de ses prérogatives réelles.

En Algérie, l’Autorité de régulation de l’audiovisuel (ARAV), dont les membres du Conseil ont été nommés et installés en juin 2016, n’a pas encore accumulé une expérience significative en matière de régulation de l’audiovisuel algérien et a été mise à rude épreuve par les dérapages des programmes ramadanesques des chaînes de télévision privées.

 

Les chercheurs auront à explorer les pistes suivantes :

 

- Les promesses d’un passage de médias d’Etat à des médias de service public ont-elles été tenues ?  Quels sont les obstacles qui continuent à entraver le plein épanouissement des chaînes publiques ? 

- Les instances de régulation de l’audiovisuel ont-elles été vraiment indépendantes  et efficaces ? Ont-elles les moyens d’assurer le respect du pluralisme, de la diversité et de la qualité des programmes audiovisuels ? Comment intégrer la société civile (représentant le public)  dans les conseils de ces instances ?

- Comment rendre la gouvernance des médias publics conforme aux standards internationaux (tutelle, composition des conseils d’administration, financement, conseils de rédaction  …)

 

 

Axe III : L’aide de l’Etat 

 

La question de l’aide de l’Etat aux médias est récurrente, mais elle se pose dans de nouveaux termes dans les pays qui ont été secoués par les vagues protestataires du « Printemps arabe ».

A priori, la doctrine libérale est hostile à toute intervention de l’Etat dans le libre jeu du marché, qui ne doit être régulé que par « la main invisible » chère à son théoricien  Adam Smith.

Mais la théorie des libertés a évolué et, depuis la Déclaration universelle des droits de l’Homme de 1948, on reconnaît à l’Etat un rôle positif en matière de garanties des droits et libertés. 

Dans son manuel « Les libertés publiques »,  Jean RIVERO constatait déjà en 1973 que « La liberté de la presse, en l’état actuel de l’économie, ne pourrait survivre sans l’aide massive que l’Etat apporte aux journaux sous des formes diverses… ». (Rivero, 1973, 103)

Dans une étude plus récente publiée en 2012 et portant sur « la régulation de l’aide de l’Etat à la presse imprimée », l’organisation britannique Article 19 réaffirme, dans ses recommandations, que « Chaque Etat a l’obligation positive d’adopter un … cadre législatif afin de favoriser un véritable épanouissement du droit à la liberté d’expression et du droit à l’indépendance et à la diversité des médias ». 

L’existence de médias indépendants et pluralistes étant considérée comme vitale pour la démocratie, les démocraties européennes ont consenti des aides et des avantages fiscaux en faveur de leurs médias privés, notamment les journaux d’information générale et politique.

Mais cette politique est de plus en plus critiquée par les néolibéraux qui la trouvent aussi coûteuse que contre-productive et stérilisante ainsi par les éditeurs des journaux en ligne, qui s’insurgent contre les privilèges accordés à la presse papier à leurs dépens.

Dans son rapport de 2013 sur l’aide de l’Etat à la presse, la Cour des Comptes française admet pour sa part que «comme en témoigne la décroissance du tirage et de la diffusion, la crise de la presse persiste et s’accroît, en dépit des moyens importants engagés par l’État ».

 

Si la question de l’aide de l’Etat à la presse demeure encore conflictuelle dans les vieilles démocraties européennes, qu’en est-il de l’état de la réflexion dans les pays arabes au lendemain des bouleversements induits par le « Printemps Arabe » ?

Quel est l’état des lieux comparé de l’aide à la presse dans les pays du Nord et du Sud de la Méditerranée ?

Comment fournir une aide publique aux médias sans compromettre leur indépendance vis-à-vis des autorités publiques ? Une telle aide devrait-elle se limiter aux médias publics ou bénéficier également aux médias privés ? Devrait-elle se limiter à la presse imprimée ou profiter aussi à la presse en ligne ?

 

Quelques pistes  de réflexion sont ici suggérées à titre indicatif et non exclusif :

 

- L’aide publique aux médias est encore nécessaire et légitime pour garantir l’existence de journaux diversifiés et pluralistes, qui disparaitraient sans cette aide ;

- L’aide de l’Etat devrait être assurée de manière démocratique et transparente, afin de ne pas compromettre l’indépendance des médias à l’égard du gouvernement et autres autorités publiques ; 

- Le mécanisme responsable de la distribution de l’aide publique devrait être indépendant et neutre ;

- L’octroi des annonces publicitaires des organismes publics devrait s’effectuer en toute transparence et dans le respect des règles d’équité, afin de rompre avec les modèles existants dans beaucoup de pays arabes qui utilisent les budgets de la publicité publique comme moyen de pression pour éliminer les titres indépendants ou d’opposition et les remplacer par des organes de propagande.

 

Ces trois axes  qui structureront les travaux du colloque constituent un terrain de recherche particulièrement propice à l’étude des nouveaux termes de la relation Etat-Médias dans les pays en transition aussi bien que dans les « vieilles » démocraties.

 

Les chercheurs intéressés sont invités à envoyer un résumé de leur proposition  exposant leur problématique, leur méthodologie et, éventuellement, les résultats escomptés.

Les propositions, d’un volume de 1500 mots, doivent être soumises au plus tard le 15 janvier 2018 avec la mention IPSI 2018, et envoyées à colloque.avril2018@hotmail.com

Les propositions seront évaluées (en double à l’aveugle) par les membres du comité scientifique du colloque et une réponse sera acheminée à leurs auteurs au plus tard le 2 février 2018

La réception des textes finaux est prévue pour le 2 avril 2018

 

Pr Abdelkrim Hizaoui , coordinateur scientifique, ahizaoui@gmail.com

 

 

BIBLIOGRAPHIE

- Article 19 : “Regulation on state aid to print media”, 2012

https://www.article19.org/resources.php/resource/3554/en/regulation-on-state-aid-to-print-media

 

- Barata-Mir, Joan: “Political and Media Transitions in Tunisia: A Snapshot of Media Policy and Regulatory Environment” , Internews, August 2011

https://www.internews.org/sites/default/files/resources/Internews_Tunisia_MediaLawReview_Aug11.pdf

 

- Ben Achour Iadh: « Tunisie, une révolution en pays d’islam » ; Cérès Editions  ; Tunis, 2016, 387p

- Camau Michel : « Un printemps arabe ? L’émulation protestataire et ses limites » ; l’Année du Maghreb, CNRS Editions, 2012

- Chevalier  Jacques, « L’Etat régulateur » , Revue française d’administration publique, 2004/3 (no111), Ed. ENA, France, pp 473 – 482.

- Chouikha Larbi : « Des séquelles de l’étatisation aux aléas de la transition. La difficile transformation des média » ; Ed. FINZI, Tunis, 2015, 115p

- Redissi  Hamadi : « L’islam incertain, Révolutions et islam post-autoritaire » ; Cérès Editions ; Tunis, 2017, 127p

 

- Rivero, Jean : Les libertés publiques, PUF, 1973, Paris, 273p. 

- UNESCO : Etude sur le développement des médias en Tunisie

http://unesdoc.unesco.org/images/0021/002192/219222F.pdf